De nombreuses régions d’Europe occidentale se sont réveillées ce matin dans un nuage de poussière saharienne. Paris était sous un ciel jaune, Madrid quant à elle, s’exposait à des niveaux dangereusement élevés de particules fines.

J’ai eu l’occasion de parler avec notre principal Docteur en sciences de l’atmosphère et expert en transport de particules, le Dr Boris Quennehen, pour discuter de certaines des questions clés qui ont été soulevées à ce sujet.

Quels sont actuellement les niveaux de pollution de l’air en Espagne ?

La carte ci-dessous montre les mesures de PM10 prises par les stations de contrôle de la pollution en Espagne à 6 heures UTC aujourd’hui (15 mars). Les concentrations de PM10 atteignent des niveaux extrêmement élevés (jusqu’au niveau de saturation pour certaines stations) sur une large bande traversant tout le pays du Sud au Nord. Des concentrations supérieures à 600 µg/m3 ont ainsi été enregistrées ce matin à Madrid et d’autres villes. Pour donner un peu de contexte, les recommandations d’exposition de l’OMS sont fixées à 15 µg/m3 sur une base annuelle et à 45 µg/m3 sur une base quotidienne. Comme le montrent les images 2 et 3, le pic de concentration ne dure que quelques heures et est décalé dans le temps entre les stations sud et nord.

Des ciels jaunes et des pluies de poussières ont également été signalés en France, mais cela n’a pas causé de concentrations de particules plus élevées d’après les stations de surveillance de la pollution. Cela s’explique par la barrière géographique des montagnes des Pyrénées à la frontière Espagne/France, qui empêcherait l’essentiel des charges de poussières d’être acheminées vers la France.

Référence pour les cartes : European Environment Agency

Comment cela se compare-t-il à la mauvaise qualité de l’air due à la pollution créée par l’homme ?

Dans le cas d’une tempête de poussière comme celle qui se déplace en Europe occidentale depuis le désert du Sahara, le polluant principal sont les particules fines (PM), également connues sous le nom d’aérosols. Même si souvent, les particules fines sont si petites qu’elles sont invisibles à l’œil nu, il est possible d’en voir à des concentrations élevées comme la fumée d’une cheminée, d’une bougie ou d’une cigarette, et aussi des tempêtes de poussière !

Les particules fines peuvent être d’origine naturelle (éruptions volcaniques, feux de forêt, sables, sels marins par exemple) ou bien émises par les activités humaines, auquel cas elles sont souvent des résidus de combustions incomplètes.

Quels problèmes de santé cette exposition à la poussière du désert peut-elle causer ?

L’impact des particules fines sur la santé est documenté par de nombreuses études depuis plusieurs dizaines d’années. C’est, selon l’OMS, la catégorie de polluants qui a le plus de conséquences sur la santé, avec des effets néfastes même à très faible dose. Les particules fines sont classées cancérigènes pour l’Homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), et de nombreuses études font le lien entre exposition aux PM et perte d’espérance de vie.

En effet, les particules fines s’infiltrent en profondeur dans les voies respiratoires, et leur inhalation peut être à l’origine de simples irritations des yeux ou du nez, mais aussi causer ou aggraver des affections plus sérieuses comme les troubles cardio-vasculaires, respiratoires ou des maladies chroniques telles que le diabète de type 2 et l’hypertension. Certaines études mettent également en évidence des effets liés à une exposition prénatale, comme le risque de naissance prématurée ou des troubles du développement de l’enfant.

📷 RESPIRE, Association Nationale pour l’Amélioration de la Qualité de l’Air et la Défense des Victimes de la Pollution

Si les particules fines sont invisibles à l’œil nu, les fumées qui sortent d’une cheminée, d’un pot d’échappement, d’une bougie ou d’une cigarette constituent autant d’exemples visibles de quantités importantes de particules en suspension. Contrairement aux polluants gazeux comme l’ozone ou le NO2, les particules fines ne sont pas caractérisées par leur formule chimique. En réalité, le terme particules fines regroupe des éléments de nature extrêmement variée : ils peuvent être organiques (les pollens ou les spores par exemple) ou minéraux (la suie, les fumées…), mais aussi de formes, de tailles et d’origines multiples. Plutôt que par leur composition chimique, on a l’habitude de classifier les particules fines par leur taille. En effet, c’est le diamètre des particules fines qui détermine les effets que celles-ci vont avoir sur la santé lorsqu’elles sont inhalées.

La taille des particules est directement liée à leur dangerosité : plus elles sont fines, plus elles ont la capacité de pénétrer loin dans nos voies respiratoires, et plus elles sont par conséquent nocives. Les PM2.5 ont la capacité de s’infiltrer jusque dans les alvéoles pulmonaires, alors que les PM10, en partie filtrées par le nez, restent dans les voies respiratoires.

A quelle fréquence ces poussières du Sahara viennent-elles en Espagne ?

The remnants of 2017’s Hurricane Ophelia brought hurricane-force winds to the British Isles when the

Les restes de l’ouragan Ophelia de 2017 [🇬🇧] ont apporté des vents violents sur les îles britanniques lorsque la tempête est arrivée en Irlande.

Ceux qui se trouvaient sur le chemin de la tempête ont subi toute sa dévastation. Cependant, alors qu’Ophelia traversait l’Atlantique, la masse d’air tournante transportait également des particules provenant des incendies de forêt au Portugal ainsi que du sable du désert du Sahara.

Gouttes de poussière à Paris ce matin

Cette convergence de phénomènes naturels a eu un impact sans précédent sur la qualité de l’air. Une grande partie de la fumée et de la poussière est restée élevée dans l’atmosphère, minimisant l’impact sur la santé des personnes au sol. Cependant, la France et le Royaume-Uni ont reporté un ciel sombre et jaune cachant un soleil rouge pendant tout le temps où la tempête se déplacait.

Que peuvent faire les habitants vivant dans ces zones pour se protéger de la mauvaise qualité de l’air dûe à la poussière saharienne ?

Si les particules tombent au niveau du sol comme c’est le cas en Espagne, il est important de minimiser l’exposition en limitant les activités de plein air, en passant du temps à l’intérieur, en particulier dans les bâtiments et les maisons avec des systèmes d’échange d’air filtré. Des masques anti-pollution de haute qualité et bien ajustés peuvent également aider à filtrer les particules.

Tenez-vous au courant en vérifiant vos prévisions locales sur la qualité de l’air et planifiez vos activités de la journée en conséquence !