La réponse courte : Oui, mais c’est compliqué

Parmi les villes qui ont mis en place des mesures de confinement pour ralentir la propagation du COVID-19, certaines ont vu leur qualité de l’air s’améliorer (avec en particulier des niveaux de NO2 plus faibles), mais pas toutes. 

Même lorsque la population est confinée chez elle, les niveaux de pollution peuvent rester élevés car il existe de multiples polluants de l’air, issus de différentes sources. Certains types de polluants peuvent migrer sur de longues distances (ex : les particules fines), tandis que d’autres peuvent s’accumuler dans l’atmosphère sur de longues périodes de temps (ex : l’ozone troposphérique). Cela signifie que même si toute la circulation automobile s’arrête en ville, il existe d’autres sources et d’autres types de pollution qui peuvent détériorer la qualité de l’air.  

La réponse intermédiaire : un peu plus de détails sur ces polluants

Bonne ou mauvaise, la qualité de l’air est définie par le nombre de polluants présents dans l’air et leurs concentrations. Il existe plusieurs types de polluants, provenant de différentes sources, et se comportant de manière différente. Par exemple 

Le dioxyde d’azote (NO2) est le polluant qui a été le plus observé pendant cette période de confinement. Ce gaz est très lié aux activités humaines et urbaines (gaz d’échappement, chauffage… etc) et il a une forte capacité de dispersion -il disparaît très rapidement et ne peut pas se propager sur de longues distances.

L’ozone troposphérique (O3) est aussi un gaz, très lié au NO2. La production d’ozone troposphérique met en jeu une réaction entre les gaz d’échappement (le NO2) et les rayons UV. Ce mécanisme est particulièrement intéressant dans ce contexte de mise en place de mesures de confinement à travers le monde. L’ozone est non seulement créée par le NO2 , mais aussi détruite par lui. En d’autres termes, il existe une relation d’équilibre entre ces deux polluants. Une réduction des émissions de NO2 implique ainsi une réduction de la production d’ozone – mais aussi moins de destruction d’ozone, donc une durée de vie de l’ozone dans l’atmosphère plus importante. Comme le NO2 est le polluant dont les émissions sont les plus réduites par le confinement, nous avons pu assister à plusieurs pics d’ozone significatifs au cours des dernières semaines. 

Les particules fines (PM1, PM2.5, PM10) sont quant à elles émises par la combustion (moteurs à combustion interne, poêles à bois, grille-pain… etc.), mais aussi par des sources telles que l’activité agricole, la construction… etc. Les particules fines peuvent voyager sur des distances incroyablement longues grâce au vent et peuvent provoquer des pics de pollution mêmes à des endroits où l’on s’attendrait à respirer un air pur.

Notre Indice Plume de Qualité de l’Air (Plume AQI) est construit pour donner une indication de la qualité de l’air globale, en prenant la valeur du polluant le plus néfaste pour la santé à chaque instant, de telle manière que si le niveau de NO2 est bas, mais celui d’ozone est élevé, le Plume AQI montrera une pollution élevée.

Ainsi, nous distinguons 7 niveaux de pollution :

Plume Labs AQIDescriptionCouleur
0-20Air Pur undefined
21-50Pollution modéréeundefined
51-100Pollution forteundefined
101-150Pollution très forteundefined
151-200Pollution excessiveundefined
201-300Pollution extrême undefined
301+Pollution très extrêmeundefined

La réponse longue : notre analyse

Les niveaux de pollution en Europe

Notre attention s’est portée sur trois villes européennes ayant adopté des mesures de confinement dans leur lutte pour ralentir la progression du COVID-19 : Bruxelles, Madrid et Paris. Nous nous sommes plus particulièrement concentrés sur le NO2, qui est le polluant le plus directement lié aux déplacements des gens en ville, puisque ses sources principales sont les gaz d’échappement des voitures et des camions. Dans chacune de ces trois villes, nous avons observé une baisse significative du NO2 à la suite de l’adoption des mesures de confinement et des règles de distanciation sociale.

Consultez les cartes interactives ci-dessous pour voir les différences rue par rue.

Bruxelles moyenne des niveaux de NO2
avant
= 16 mars / après = 21-24 mars
Madrid moyenne des niveaux de NO2
avant
= 10 mars / après = 21-24 mars
Paris moyenne des niveaux de NO2
avant
= 16 mars / après = 21-24 mars 

Cependant, cette diminution des niveaux de NO2 n’est pas nécessairement synonyme d’un air plus pur. Ainsi, à Paris, nous avons pu constater des pics conséquents d’ozone troposphérique et de particules fines pendant la période du confinement. Plusieurs raisons expliquent cela. Dans le cas des particules fines, rappelons que le vent peut déplacer ces polluants sur plusieurs kilomètres : les pics observés étaient ici dus à un transport des particules fines émises par les activités agricoles à l’extérieur de la ville. Le cas de l’ozone troposphérique, du fait de son lien avec le NO2, est encore plus intéressant, et complexe. 

Qu’en est-il de la pollution aux Etats-Unis ? 

Nous avons ensuite procédé à la même analyse pour 3 villes des Etats-Unis : Chicago, Los Angeles et New York. 

Nous avons relevé des différences notables par rapport aux trois villes européennes. A New York, nous n’avons trouvé qu’une faible diminution des émissions de NO2. A Chicago, la diminution est plus marquée, mais rien de comparable avec ce qui observé dans les villes européennes.

A Los Angeles, nous avons même été surpris de trouver des niveaux de NO2  légèrement plus élevés après les mesures de confinement -plus particulièrement autour de Saint James Park et Chinatown. Notre explication pour cette légère hausse est que la part des émissions de NO2 est de 9% pour les voitures et de 50% pour les camions.

Autrement dit, seulement 9% des émissions sont causées par des particuliers empruntant leur voitures, tandis que 50% de ces émissions sont dues à la circulation de poids lourds. Une diminution du nombre de voitures en circulation liée aux mesures de confinement peut ainsi être largement compensée par une légère hausse des livraisons et du trafic poids lourds en général. 

Chicago Average NO2 levels
Before
= March 24th / After = April 1st 
Los Angeles Average NO2 levels
Before
= March 24th / After = April 1st 
New York Average NO2 levels
Before
= March 24th / After = April 1st 

Quels sont les autres facteurs contribuant à des niveaux de pollution inattendus ? 

Un temps ensoleillé : C’est dans ces conditions que l’ozone troposphérique (O3) peut vraiment atteindre des niveaux critiques. Si vous avez manqué notre section sur la formation de l’ozone un peu plus haut, jetez-y un oeil, c’est un mécanisme assez intéressant. 

La couche d’inversion : De manière générale, la température de l’atmosphère diminue avec l’altitude. Cependant, dans certains cas, c’est l’inverse qui se produit : par exemple, quand une couche d’air plus chaud, moins dense passe au-dessus d’une couche d’air froide, donc plus dense. Cela crée une sorte de “couvercle” d’air chaud dans l’atmosphère, qu’on appelle couche d’inversion. Cette couche d’inversion empêche la dispersion des polluants, ce qui signifie qu’ils restent piégés à des niveaux proches du sol. 

Le vent : Le vent augmente la dispersion de gaz tels que le NO2 qui émane du trafic automobile. Les particules fines sont aussi transportées par le vent. Son influence peut donc être bonne ou mauvaise, en fonction du sens dans lequel il souffle. Par exemple, à Paris, nous avons constaté une chute considérable des niveaux de NO2 depuis que les mesures de confinement ont été mises en place, mais aussi des pics importants de particules fines provenant d’activités agricoles et transportées en ville par le vent. 

La pluie : La pluie peut nettoyer l’air des particules fines. Quand elles tombent, les gouttelettes de pluie capturent les particules présentes dans l’air et les font tomber au sol, de telle façon que nous ne pouvons plus les respirer. 

Conclusion

Il y a une chose qui reste limpide au fur et à mesure que nous poursuivons notre mission pour rendre l’air plus pur : réduire la pollution de l’air est un problème complexe, et comprendre la façon dont elle est créée et se déplace est essentiel si nous voulons construire durablement sur les améliorations que nous avons observées ces derniers temps.