
Coup de projecteur sur l’air de Broadway
Les trois coups résonnent, le brouhaha devient un murmure et un unique faisceau de lumière transperce l’obscurité de la salle. Si vous avez déjà assisté à une pièce de théâtre, à un concert ou à une comédie musicale de Broadway ou d’ailleurs, vous vous êtes probablement déjà laissés éblouir par l’apport dramatique de lasers et projecteurs savamment orchestrés.
Photographie : anna-m. w. de Pexels
Sans éclairage digne de ce nom, bien des productions perdent instantanément de leur superbe et dans cet exercice, les fumigènes sont la composante clé pour transformer une simple lumière en un envoûtant bal de photons. Seulement voilà, ce blog parle de pollution et à ce stade vous êtes probablement en train de vous dire que fumigènes = particules en suspension dans un espace fermé = problème. Félicitations, c’est la bonne intuition !
L’équipe de la PlumeLetter a voulu en savoir plus et a rencontré pour vous Caitlin Warbelow, experte en qualité de l’air, utilisatrice Flow et surtout violoniste professionnelle dans les orchestres de Broadway. Elle a partagé avec nous sa réflexion sur son exposition régulière et prolongée à la fumée de scène.
Caitlin Warbelow est de ces violonistes qui se sont produits professionnellement dans les plus petites salles et les plus grands théâtres et ont connu les mises en scène les plus complexes comme les plus épurées. C’est en remarquant qu’un nombre grandissant de ses collègues étaient affectées de troubles respiratoires que le lien avec son exposition chronique aux fumées de scène s’est tissé dans son esprit.
Voici son histoire, racontée avec ses propres mots…
Dans le cadre de la thèse de mon master en Planning Urbain et Systèmes d’Information Géographiques à l’université de Columbia, j’avais déjà mené des recherches sur la qualité de l’air à Harlem au moyen de capteurs accrochés à un vélo. Bien que mes dix dernières années de carrière aient été celles d’une musicienne, je reste une scientifique et data-analyste de coeur ! Dès que je me suis rendue compte des difficultés respiratoires que mes collègues et moi-mêmes connaissons, c’était évident que mon bagage en recherche sur les particules fines pouvait être mis à contribution.
J’avais le soupçon que la fumée projetée sur scène pour l’éclairage contribue à la création d’un risque pour la santé et je voulais tester cette hypothèse avec des données et de l’analyse. A l’époque où je faisais mes recherches à Columbia les appareils de mesure auxquels nous avions accès étaient larges et encombrants. C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que j’ai découvert Flow car il me permettrait de prendre des mesures sans perturber le bon déroulement du spectacle. J’ai pu mesurer la qualité de l’air sur scène et dans le vestiaire, ce qui nous donne un bon aperçu de ce que nous respirons quotidiennement en tant que musiciens, acteurs, équipes techniques et public.
Vous pouvez très clairement observer à quel moment les spectacles ont lieu – ce sont à chaque fois des pics significatifs de PM2.5 et PM10. Au moins six personnes de la troupe, l’équipe et l’orchestre ont connu de sérieuses complications respiratoires qui ont requis des interventions chirurgicales.
Interprétation des données
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, “Il existe de solides preuves quant aux effets sur la santé respiratoire d’une exposition court-terme aux PM10, mais lorsqu’il s’agit de mortalité et surtout comme conséquence d’une exposition long-terme, les particules fines dont le diamètre est inférieur à 2.5µm présentent un risque plus élevé que celles dont le diamètre est compris entre 2.5µm et 10µm.”
Nous utilisons le Plume Air Quality Index (AQI) pour mettre en perspective les données de Caitlin car il catégorise les différents niveaux de pollution en fonction des seuils définis par l’OMS. Chacune des catégories de l’AQI Plume contient une indication spécifique quant à la durée d’exposition maximale avant que ne soient engendrées des conséquences sur la santé.
“Les pics de particules fines documentés par Caitlin sont extrêmement élevés – ils dépassent largement le seuil maximal pour une heure d’exposition défini par l’OMS (égal à 100 dans l’AQI Plume)” commente le docteur Boris Quennehen, scientifique atmosphérique de Plume Labs. “C’est une bonne indication du fait que Caitlin et ses collègues sont exposés à des niveaux de pollution de l’air qui peuvent avoir un impact adverse et réel sur leur santé”.
Photographie : Dimitris.s12 de Pexels
Maintenant qu’elle a pu confirmer ses soupçons quant au niveau élevé de particules fines sur son lieu de travail, Caitlin continue ses recherches et ses efforts pour trouver des solutions à impact positif sur la santé non seulement de ceux qui travaillent dans les théâtres, mais des milliers de personnes qui viennent s’y faire divertir soir après soir.
En collaboration avec les chercheurs de l’université de Columbia et l’équipe de sciences atmosphériques et de data science de Plume Labs, la quête de Caitlin va se poursuivre – avec les bonnes données en main, elle pourra poursuivre son combat et son récit.
Pour écouter la musique de Caitlin, rendez-vous sur YouTube, Bandcamp et sur son site web. Son histoire ne s’arrête pas là, restez à l’écoute…!
Avez-vous une histoire qualité de l’air à raconter ? Parlez-nous en, nous voulons vous aider !
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1* NOTE: Flow se trouvait dans le vestiaire lors de cette représentation